la résistance des Aurès 1

Publié le par Aurés

La résistance des Aurès fut déclenchée en 1879 sous la direction de Cheikh Mohamed Ben Abderrahmane afin de démonter à l'occupant français que l'ère des résistances n'était pas du tout révolue et que la présence coloniale en Algérie était la même  que le régime fut militaire ou civil, car ce ne sont en fait que les deux facettes d'une même médaille, à savoir le colonialisme français.

Par ailleurs, sous le régime civil, les colons avaient eu le champ libre pour appliquer leur politique sous prétexte qu'ils avaient tout mis en œuvre pour le mettre en place, le régime militaire n'ayant pas satisfait leurs revendications, constituant même une entrave à leurs intérêts.

Cette révolte est donc intervenue pour démontrer une fois de plus que le peuple algérien, à travers sa résistance qui ne s'est pas interrompue tout au long du dix-neuvième siècle, rejetait toute forme d'occupation

    Causes de la résistance de 1879

Derrière le déclenchement de cette résistance, il existait des causes essentielles et des facteurs principaux parmi lesquels les particularités de la période de transition qu'a vécue l'Algérie entre le régime militaire et le régime civil, puis le facteur social sur lequel les autorités coloniales s'étaient basées à travers le rôle joué par les bureaux arabes dans la fragmentation des couches sociales  algériennes et le travail de division de ses rangs. C'est ainsi que sont apparues les luttes de factions et de clans entre les familles pour se transposer aux tribus. Il faut ajouter à cela le facteur économique lié à la situation de l'agriculture, principale source de revenus des populations de la région des Aurès.

Toutefois, les famines, la sécheresse ont accru les difficultés des Algériens qui vivaient déjà dans des conditions dramatiques auxquelles est venue se greffer l'augmentation des impôts, ceci au moment où toutes les facilités et moyens étaient mis à la disposition des colons au détriment des populations. Enfin, le facteur religieux a joué un rôle non négligeable dans l'embrasement de cette résistance.

 a-      Le facteur politique

 Depuis l'expédition militaire française en 1830 jusqu'à la défaite de la France face à l'Allemagne dans la bataille de Sedan en 1870, le pouvoir en Algérie a exercé à l'égard des Algériens une politique basée sur l'injustice, la répression et les mauvais traitements. Il a même excellé en cela à travers diverses méthodes dont la plus remarquable fut la politique de la terre brûlée pratiquée par le Général Bugeaud. Il fut suivi en cela par tous les dirigeants et gouverneurs  militaires, obéissant à la volonté des colons lesquels,  non satisfaits de cela en raison de leur cupidité,  furent à l'origine de l'instauration d'un pouvoir civil qui a obtenu politiquement plus qu'ils ne le souhaitaient puisqu'ils étaient devenus l'instrument politique efficace aussi bien  à Alger qu'à Paris.

b-     Le facteur social

 Les autorités coloniales françaises ont entretenu les scissions entre les tribus en élargissant les conflits existant entre les familles influentes au sein des tribus et des clans. Ainsi dans la région des Aurès, le conflit est apparu entre la famille Bengana dont est issue la mère du leader de la résistance dans l'Est Algérien, El Hadj Ahmed Bey et la famille Benchennouf, appartenant à la famille de Si Bouakkaz. A la base de ce conflit, il y avait l’aptitude de chacune d'elles à contrôler les tribus dans cette région.

L'action menée contre la famille Bengana avait abouti à leur destitution  par  les autorités françaises de la fonction d'Agha des Arabes (Cheikh des Arabes) qui leur avait été confiée. En effet, ils furent accusés par la famille Benchennouf d'être derrière l'incitation des populations des Aurès à se soulever contre la présence française d’une part et d’autre part d’être à l’origine de l'application des mesures répressives et coercitives qui avaient touché et affaibli l'ensemble des catégories sociales.

Il apparaît que le facteur social fut l'une des causes qui précipitèrent le déclenchement de cette résistance.

 c-      Le facteur économique

 Les conditions dramatiques vécues par les populations de la région des Aurès les plongeaient chaque jour davantage dans la misère d'autant plus qu'ils souffraient déjà de la famine et de la  sécheresse qui avait  eu des conséquences désastreuses sur la production agricole et animale. En effet, il faut retenir que ces populations constituaient une société agropastorale, vivant essentiellement des revenus de   l'agriculture vivrière.

D'autre part, il y avait l'augmentation des impôts collectés par les caïds, les aghas et les chefs de tribus auprès de populations, contraintes de les payer malgré leurs ressources très limitées, en plus des taux d'intérêt usuraires, contraires aux préceptes de l'Islam. Tout ceci a amplement contribué à  la dégradation de la situation et au déclenchement de l'insurrection.

    Les étapes de la résistance de 1879

La résistance de 1879 dans les Aurès est passée par des étapes importantes :

 -         Première étape :

 La première étincelle s'est déclenchée le 30 mai 1879 au moment où eut lieu la tentative d'arrestation, au milieu du clan des Lhal'ha, de l'imam de la mosquée El Hamam lequel était devenu le guide spirituel de la résistance. Commença alors la phase des attaques contre les collaborateurs des autorités coloniales et à leur tête les caïds. Après cela, eut lieu l'attaque contre le caïd Si el Hachemi Bachtarzi  qui s'était réfugié au fort de Tkout mais les assaillants réussirent quand même à le tuer pour revenir par la suite à la région d'El Annasser.

Dès lors, les caïds Mohamed Ben Boudiaf, le caïd de Béni Oujana ainsi que Mohamed Sdira, caïd d'el Achach se sont concentrés près de la région d'el Annasser, prêts à attaquer les insurgés le 1er juin 1879, soutenus par une troupe française. Toutefois, ils furent surpris par une attaque surprise de nuit  au cours de laquelle le caïd Boudiaf fut tué. Puis ce fut le tour du caïd Lahcène Belabey ainsi que son khalifa Daâs.

Cette étape fut couronnée de succès et la peur gagna les caïds qui étaient l'instrument effectif entre les mains des autorités françaises.

 -         Deuxième étape :

 Cette étape fut caractérisée par l'extension de la révolte dans la région des Aurès, à travers le ralliement de bon nombre d'insurgés contre les représentants de l'autorité coloniale. Elle a ainsi englobé les tribus des ouled Daoud , Béni Bouslimane, Ahmed Kheddou ainsi que certains clans des tribus de Béni Oujana, Oued Abdi , parallèlement au soutien absolu du Cheikh de la zaouia Rahmanya d'oued Abdi, Cheikh El Hachemi Ben Derdour.

Le leader de cette révolte , Cheikh Mohamed Ben Abderrahmane ne se limitant pas à cela, a adressé des correspondances à tous les  mokaddems de la confrérie Rahmanya à Oued Abdi, Bouzina, Beni Oujana, Ghassira , Béni Amloul et el Baadchya.

Il en fit de même avec le reste des tribus parmi lesquelles la tribu des Harakta, Segnia, Karfa et autres leur demandant de proclamer la guerre sainte. Ses correspondances parvinrent également aux tribus des zouaouas afin d'élargir la base de l'insurrection.

Parallèlement à ces préparatifs, le pouvoir colonial avait équipé trois colonnes sous le commandement du maréchal Forgemol; la première colonne venant de Batna était composée de six bataillons dirigés par le colonel Gaume; la deuxième colonne venant  de Biskra, sous le commandement du colonel Cajar était composée de trois bataillons tandis que la troisième colonne venant de Khenchela sous la direction du colonel Gaume comprenait un seul bataillon.

Au cours de ces mouvements eurent lieu des batailles rudes de forces inégales entre des troupes dotées d'armement , organisées et bénéficiant d'une expérience sur le terrain alors que du côté algérien, les combattants étaient essentiellement des volontaires ordinaires dénués d'expérience sur le terrain et d'équipement militaire développé.

Parmi les batailles importantes, il y eut celle d'El Arbaâ, au nord de Batna les 8 et 9 Juin 1879, suivie de celle du village de Touba près de Oued Oum El Achra le 15 Juin de la même année, ainsi que d'autres batailles dans certaines régions des Aurès.

 -         Troisième étape :

 Elle fut caractérisée par le recul des insurgés devant les troupes coloniales soutenues par la force locale avec à sa tête les caïds; ce qui influa négativement sur la poursuite de la résistance et ses possibilités d'enregistrer des succès notables. Les hésitations des insurgés au cours de nombreuses occasions furent à l'origine de l'affaiblissement de leurs rangs, dans la mesure où beaucoup d'entre eux furent arrêtés. Leur nombre  passa de 168 prisonniers au début pour atteindre 103 ;  ce qui a poussé bon nombre d'insurgés à s'exiler en Tunisie répondant à l'appel adressé par le leader de l'insurrection Mohamed Ben Abderrahmane aux populations de la région afin qu'elles ne se fassent pas exterminer par l'armée coloniale. Quant à ceux qui restèrent, ils virent leurs villages incendiés ou détruits et furent dépossédés de leurs biens. Certains parmi eux furent tués.

  • Conséquences de la résistance de 1879

L'insurrection de 1879 avait démontré que le peuple algérien était capable de transposer la résistance aux confins du territoire.

-         Emergence de la dimension religieuse et nationaliste de cette révolte à l'instar de celles qui l'ont précédée.

-         Cohésion des tribus entre elles, considérant l'ennemi français comme une force impie étrangère à l'Islam.

-         Le nombre de victimes parmi les Algériens avait atteint 562 tués.

-         Déplacement de 20 familles vers Collo, 26 familles vers Sétif et 12 familles vers Jijel.

-         Imposition d'une amende de 355 372 70 francs aux familles insurgées.

-         Saisie de 1705 fusils

-         Saisie de plus de 2777 hectares

-         Remise du chef de la résistance Cheikh Mohamed Ben Abderrahmane et de ses compagnons par les autorités tunisiennes aux autorités françaises lesquelles prononcèrent à leur encontre diverses peines par la Cour martiale réunie à Sétif en Juin 1880, dont :

-         Condamnation à la peine de mort de 14 personnes parmi lesquelles Cheikh Mohamed Ben Abderrahmane.

-         Condamnation de 10 personnes à une peine de 10 ans  de travaux forcés

-         Condamnation de 7 personnes à une peine de 05 ans de travaux forcés

-         Condamnation de 2 personnes à la résidence surveillée pendant 5 ans

-         Condamnation de 7 personnes à une peine d'emprisonnement de 2ans

-         Déportation en Corse et à Cayenne en Guyane française

Bannissement de certaines familles vers des contrées lointaines.

Publié dans L'année des Aurès

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